Histoire de chenets

À l’origine, les chenets, le plus souvent taillés dans la pierre, représentent des petits chiens accroupis. Avant tout utiles, ils se présentent par paire afin de surélever les bûches, de les retenir alors qu’elles risquent de tomber lors d’une flambée et d’assurer une bonne circulation de l’air.

Dans les cheminées monumentales du Moyen Age et de la Renaissance, parfois même plus tard, ils sont de très grandes dimensions et portent le nom de « landiers ». Les cheminées adoptant une taille plus modeste, les chenets que nous connaissons aujourd’hui, se répandent à partir du XVIIIème siècle.

Les ornements apparaissent lentement sur leur surface, les animant et les enrichissant. Ils peuvent ainsi faire écho à la cheminée qu’ils accompagnent. Ils sont en bronze ciselé et doré, à décors d’amour, de vases flammés, de draperies, de guirlandes, de fleurs, de fruits, de rubans, de rosaces, de feuillages…

Les motifs apposés suivent les grands styles. Au XVIIIème, le travail des chenets en bronze doré et ciselé atteint une perfection rarement égalée… Sous le règne de Louis XV (1715-1774), les cheminées sont plus petites, plus décoratives aussi, laissant une place importante aux chenets. On leur apporte alors un soin tout particulier. Parfois d’une grande fantaisie, ils sont l’oeuvre de virtuoses. Les décors font appel aux thèmes les plus variés : animaliers, exotiques, orientaux. Il n’est pas rare de voir des scènes champêtres où l’asymétrie se joue de la rigueur. C’est ainsi que dans une même paire, on peut voir sur la pièce de gauche un berger et sur celle de droite, une bergère, l’un et l’autre se faisant pendant.

Rares feux « aux sphinx » par Thomire, de la fin du XVIIIème siècle, en bronze ciselé, doré ou mat et bruni à l’agate, représentant deux sphinx affrontés reposant sur des piédestaux, ornés de deux trophées d’armes, traités en bas-relief, à motifs de cuirasse, bouclier, hache, canon, boulets, tambour, étendard… et de part et d’autre un profil de femme et une Minerve casquée, soutenus par quatre pieds griffés stylisés sur un socle rectangulaire. Provenance : château d’Anjou (Premier Empire).
 
Paire de feux de l’époque Régence en bronze ciselé et doré, représentant deux amours chevauchant l’un un lion, l’autre un bouc. Ils reposent sur des bases galbées à quatre pieds cambrés.

Sous le règne de Louis XVI (1774- 1791) les motifs à l’antique prédominent et l’inspiration est presque exclusivement issue des thèmes du monde gréco-romain. S’inspirant de motifs mythologiques, des ornemanistes célèbres, comme Gouthière, dessinent des modèles pour des châteaux et les hôtels particuliers.

Sous le Consulat et l’Empire, les thèmes militaires abondent. La campagne d’Egypte fait apparaître des sphinx, des palmettes ou des fleurs de lotus. Avec le retour de la monarchie, on revient à des formes plus simples et dénudées. Les motifs continuent de se simplifier tout au long du XIXème et font appel à l’anecdote, parfois à la caricature : des têtes de femmes, des bustes de littérateurs, d’hommes politiques, de généraux ou de soldats célèbres.

Chenet en bronze ciselé et doré. XVIIIe siècle, époque Louis XVI (d’après Havard).

Les motifs dits rocailles abondent. Tout devient courbe, volute, asymétrique pour faire référence aux irrégularités et fantaisies de la nature. C’est le triomphe du végétal, des coquilles, d’où le nom de rocaille, en référence aux pierres et coquillages des rivages. Le maître de ce type de décor est Juste-Aurèle Meissonier, un Italien originaire de Turin, dont le talent s’étend à tous les arts du feu et au mobilier. Le motif central des cheminées est souvent la caractéristique coquille Saint-Jacques redécouverte par le second Empire et largement répandue durant cette période.

Chenet en cuivre. XVIIe siècle

Les chenets sont en fonte, également en fer. La fonte permet de fabriquer en série des chenets moulés, vendus à bon marché et en grande quantité. Les têtes de zouaves sont fréquentes surtout sous Napoléon III, après la Campagne de Crimée… Mais la cheminée se heurte vite à la concurrence des poêles, de fabrication industrielle, en fonte également, d’un maniement pratique, simple et surtout peu encombrant correspondant aux nouvelles dimensions, assez restreintes, des nouveaux appartements. L’avènement du chauffage central finit de détrôner les chenets…

Aujourd’hui, avec le retour du « feu plaisir » et la création de cheminées contemporaines, on voit des chenets sculptures, oeuvres d’artistes, géométriques et dépouillées.